La météo à Wall Street, peinture acrylique sur toile, 4'x6', 2000
Aujourd’hui, Goya ne peindrait plus la cour d'Espagne, ni Ingres des nus, ni Cézanne la montagne Sainte-Victoire, ni Van Gogh des iris, ni Picasso des natures mortes. Ils peindraient des paysages financiers, des diagrammes qui montent au ciel et plus souvent qui descendent aux enfers : la planète est devenue financière. Je peins les jeux des spéculateurs, les murs de Wall Street et les reliefs des montagnes d'actions, d'or et d'argent qui nous entourent.
Claude Monet ne peindrait plus les nymphéas, mais les trous d’ozone au-dessus des pôles. Notre conscience de la nature est devenue écologique, globale, savante et politique. Malevitch ne peindrait plus des carrés noirs, mais des codes-barres. Mondrian ne peindrait plus des géométries orthogonales, mais les zigzags de nos évolutions statistiques et de nos crises.
Les cubistes peindraient le code binaire du numérique qui s’immisce de plus en plus dans le réel et le transforme au point où il n’en est plus clairement discernable. Tout mon travail d’artiste, commencé dans les années 1970 sous le signe de l’art sociologique, consiste depuis la fin des années 1990 à explorer, déchiffrer, mettre en évidence, interroger et critiquer cette nouvelle nature numérique, financière et écologique, tant du point de vue politique, qu’économique et social. Je peins son imaginaire et ses rythmes, ses pulsions et ses structures, ses codes, son esthétique quantitative et ses fausses couleurs.
Le retour paradoxal à la peinture s'impose pour prendre du recul face à cette nouvelle nature algorithmique. Il permet de résister au flux dissolvant des octets par l’arrêt sur image. Ce sera une peinture joyeuse, sociologique et critique. En quelque sorte, je peins les icônes du numérique. Je suis un artiste de classe moyenne, un primitif du nouveau naturalisme.
Hervé Fischer (petit manifeste de 1999)
à la Galerie ECI
32, avenue Matignon, Paris 75008
à compter du 12 novembre 201212 novembre