Le monde est devenu plastique, au sens de la plasticité de la matière et des formes, et même du vivant. Les cellules souches sont capables de se spécialiser dans toutes les fonctions biologiques de tous les organes du corps ; nous admettons désormais la plasticité du cerveau, au sens de sa capacité à évoluer et à se réparer lui-même. Tout ce que nous savons désormais de l’infiniment petit, de l’infiniment lointain, de la génétique du vivant, de la matière et de l’énergie est constitué de fichiers numériques que nous affichons en fausses couleurs sur des écrans de plasma. La science contemporaine est devenue digitale. Nous ne pouvons plus parler du plastique comme d’un matériau particulier parce que synthétique, que nous opposerions à des matériaux appelés naturels et qualifiés d’authentiques. Les matériaux qui font argument de vente de leur «naturalité» (glaise, osier, bois, pierre, fer) évoquent une authenticité archaïsante et sont de plus en plus réservés à l’artisanat. Tous les autres matériaux, sont devenus hybrides, trafiqués pour adapter leur spécificités à nos besoins. Même le verre, un matériau qui préfigure en quelque sorte le plastique, du fait de sa plasticité lorsqu’il est chauffé pour être soufflé ou coulé, et de sa texture lisse et pauvre, a été depuis toujours teinté par des pigments et ennobli par des effets spéciaux de forme et de couleur, comme le plastique aujourd’hui. Le plastique est synthétisé à partir d’un matériau réel et d'origine biologique, le pétrole. Il n’échappe pas à la liste des éléments premiers du tableau de Mendeleïev. Il n’y a rien dans l’univers qui ne puisse être constitué d’éléments qui seraient artificiels ou non naturels. Et la nature nous démontre spectaculairement qu’elle a elle-même synthétisé des milliards de combinaisons chimiques stables. Ce que nous appelons le plastique, que nous avons tendance à considérer comme une invention récente et emblématique du pouvoir instrumental que nous développons, est en fait représentatif des processus mêmes de la nature. Et notre pouvoir créatif a été démultiplié par l’émergence des technologies numériques et des combinatoires nouvelles qu’elles nous permettent de fabriquer.
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